dimanche 6 décembre 2020

Cadavre Exquis | Agustina Bazterrica

 

Résumé : 

Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, à partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation. Ce roman est l’histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de « première génération » reçue en cadeau. Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d’élevage est passible de la peine de mort. À l’insu de tous, il va peu à peu la traiter comme un être humain.


Extrait : 

Demi-carcasse. Étourdisseur. Ligne d’abattage. Tunnel de désinfection. Ces mots surgissent et cognent dans sa tête. Le détruisent. Mais ce ne sont pas seulement des mots. C’est le sang, l’odeur tenace, l’automatisation, le fait de ne plus penser. Ils s’introduisent durant la nuit, quand il ne s’y attend pas. Il se réveille le corps couvert de sueur car il sait que demain encore il devra abattre des humains.

Personne ne les appelle comme ça, pense-t-il, en s’allumant une cigarette. Lui non plus il ne les appelle pas comme ça quand il explique le cycle de la viande à un nouvel employé. On pourrait l’arrêter à ce seul motif, et même l’envoyer aux Abattoirs Municipaux pour se faire transformer. « Assassiner » serait le mot exact, mais ce mot-là n’est pas autorisé. En ôtant son maillot trempé, il cherche à chasser cette idée persistante selon laquelle c’est pourtant bien ce qu’ils sont, des humains, élevés pour être des animaux comestibles. Il va au frigo et se sert de l’eau glacée. Il la boit lentement. Son cerveau le prévient que certains mots dissimulent le monde.

Il y a des mots convenables, hygiéniques. Légaux.

Il ouvre la fenêtre, la chaleur l’étouffe. Il fume en respirant l’air calme de la nuit. Avec les vaches et les porcs, c’était facile. Il a appris le métier au Cyprès, la société d’abattage de son père, son héritage. D’accord, le cri d’un porc qu’on met à terre, ce pouvait être épouvantable, mais en utilisant des protections auditives, cela devenait vite un bruit parmi d’autres. Maintenant qu’il est le bras droit du chef, il doit surveiller et former les nouveaux. Enseigner à tuer, c’est pire que de le faire soi-même. Il passe sa tête par la fenêtre. Respire l’air compact, brûlant.

Il voudrait s’anesthésier, ne plus rien ressentir. Agir automatiquement, regarder, respirer, voilà tout. Voir, savoir et ne rien dire. Mais les souvenirs sont là, ils restent.

La majorité des gens a intégré ce que les médias s’obstinent à appeler la « Transition ». Mais pas lui, parce qu’il sait que transition est un mot qui ne dit pas que le processus a été bref et sans pitié. C’est un mot qui résume et archive un événement incommensurable. Un mot vide. Changement, transformation, tournant : autant de synonymes qui ont l’air de signifier la même chose, et pourtant le choix d’employer l’un ou l’autre dit une manière singulière de voir le monde. Les gens ont intégré le cannibalisme, pense-t-il. Cannibalisme, encore un mot qui pourrait lui attirer de sérieux problèmes.

Extrait du chapitre 1


Mon avis : 

AVIS A VENIR


Ma note :

15/20


Infos complémentaires :

Genre : Science-Fiction, Horreur
Editions : Flammarion (Littérature Etrangère)
Titre original : Cadaver Exquisito (2017)
Traduction : Margot Nguyen Béraud
Date de parution : 2019
Nombre de pages : 292

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