dimanche 8 novembre 2020

Women talking | Miriam Toews


Résumé : 

One evening, eight Mennonite women climb into a hay loft to conduct a secret meeting. For the past two years, each of these women, and more than a hundred other girls in their colony, has been repeatedly violated in the night by demons coming to punish them for their sins. Now that the women have learned they were in fact drugged and attacked by a group of men from their own community, they are determined to protect themselves and their daughters from future harm.

While the men of the colony are off in the city, attempting to raise enough money to bail out the rapists and bring them home, these women—all illiterate, without any knowledge of the world outside their community and unable even to speak the language of the country they live in—have very little time to make a choice: Should they stay in the only world they’ve ever known or should they dare to escape?

Based on real events and told through the “minutes” of the women’s all-female symposium, Toews’s masterful novel uses wry, politically engaged humor to relate this tale of women claiming their own power to decide.

Voici une traduction personnelle du résumé ci-dessus :


Extrait : 

JUNE 6
August Epp, Before the Meeting

My name is August Epp—irrelevant for all purposes, other than that I’ve been appointed the minute-taker for the women’s meetings because the women are illiterate and unable to do it themselves. And as these are the minutes, and I the minute-taker (and as I am a schoolteacher and daily instruct my students to do the same), I feel my name should be included at the top of the page together with the date. Ona Friesen, also of the Molotschna Colony, is the woman who asked me if I’d take the minutes—although she didn’t use the word “minutes” but rather asked if I would record the meetings and create a document pertaining to them.
We had this conversation last evening, standing on the dirt path between her house and the shed where I’ve been lodged since returning to the colony seven months ago. (A temporary arrangement, according to Peters, the bishop of Molotschna. “Temporary” could mean any length of time because Peters isn’t committed to a conventional understanding of hours and days. We’re here, or in heaven, for an eternity, and that’s all we need to know. The main houses in the colony are for families, and I’m alone, so it is possible I may always, forever, live in the shed, which doesn’t really bother me. It’s bigger than a jail cell and large enough for me and a horse.)
Ona and I avoided the shadows as we spoke. Once, in mid-sentence, the wind caught her skirt and I felt its hem graze my leg. We side-stepped into the sun, again and then again, as the shadows lengthened, until the sunlight had disappeared and Ona laughed and waved her fist at the setting sun, calling it a traitor, a coward. I grappled with the idea of explaining hemispheres to her, how we are required to share the sun with other parts of the world, that if one were to observe the earth from outer space one could see as many as fifteen sunsets and sunrises in a day—and that perhaps by sharing the sun the world could learn to share everything, learn that everything belonged to everyone! But instead I nodded. Yes, the sun is a coward. Like myself. (I kept silent, too, because it was this tendency of mine to believe, with such exuberance, that we could all share everything that landed me in prison not long ago.) The truth is, I don’t have a catchy method of conversing and yet, unfortunately, suffer on a minute-to-minute basis the agony of the unexpressed thought.

Voici une traduction personnelle de l'extrait ci-dessus :


Extrait


Mon avis : 

Quasi coup de cœur pour ce roman ! Je l'ai trouvé très intéressant et très fort. Par contre, trigger warnings : viol, oppression religieuse et machisme. J'ai aimé voir ces femmes se réappropriées leur liberté de penser et de choisir pour elles-mêmes. J'ai aimé voir leur révolte se confronter à leur morale religieuse. J'ai été bouleversée par les actes atroces commis par les hommes de cette communauté religieuse, qui sont malheureusement basés sur des faits réels. J'ai aimé que l'autrice donne une voix et de la visibilité à ces femmes Mennonites qui n'ont probablement pas souvent le droit de se faire entendre...

Au niveau du rythme, c'est un livre plutôt lent avec très peu d'actions. On vit l'instant présent avec ces femmes, leur questionnements et leurs points de vues face à cette grande question sur laquelle repose l'intrigue : doivent-elles quitter leur communauté et s'installer ailleurs ou pardonner et rester auprès d'hommes qui les maltraitent et les violent, elles et leurs filles ?

J'ai adoré tous les personnages, les femmes présentées sont toutes différentes, avec des personnalités et des opinions aussi riches que variées. Le narrateur est lui aussi très intéressant. Le seul petit bémol que je pourrais soulevé ici, c'est que le narrateur et porte-parole de toutes ces femmes oppressées soit un homme... Ca fait un peu "oh l'homme ce sauveur", le livre aurait gagné en "empowerment" avec une narratrice et porte-parole féminine. Cela n'entache en rien la qualité du récit cependant.

Bref, j'ai adoré ce roman, je l'ai trouvé extrêmement puissant et j'ai presque envie de le relire. Je suis un peu jalouse des deux traducteurs français qui ont eu la chance de travailler sur ce roman, car je crois que j'aurais adoré le faire ! Plongez sans hésiter dans ce roman fort, ce petit bijou de réflexion et d'empowerment qu'a écrit Miriam Toews.


Ma note :

17/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain
Editions : Bloomsbury
Date de parution : 2019
Nombre de pages : 240

Une version française existe aux éditions Buchet/Chastel sous le titre Ce qu'elles disent, traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. 

We inherit what the fires left | William Evans



Résumé : 

William Evans, the award-winning poet and cofounder of the popular culture website Black Nerd Problems, offers an emotionally vulnerable poetry collection exploring the themes of inheritances, dreams, and injuries that are passed down from one generation to the next and delving into the lived experience of a black man in the American suburbs today.

Voici une traduction personnelle du résumé ci-dessus :

William Evans, poète recompense et co-fondateur du site internet populaire Black Nerd Problems, propose un recueil de poésie émotionnellement vulnérable, explorant les thèmes de l'héritage, des rêves et des blessures transmises d'une génération à une autre, plongeant dans le vécu d'un homme noir dans les banlieues américaines de nos jours.


Extrait : 

THE ENGINE

The sun fell out of the window,
our daughter caught it with her teeth.

Every nightfall
is a black they can’t murder.

The days my car makes it
to the garage are the days I can live forever.

Even flattened against the street, an officer’s
knee in my back, I look young for my age.

They say you can chart time by stargazing or
knowing all the stars you see are already dead.

If the tops of trees are the newest life, everything
from my father’s land looks like the future.

When I retrieve the mail, I am reminded
of what can outlive me.

When I was a boy, we gathered
sticks that resembled bones.

We tried to resurrect our ancestors, but they refused.

We have given you death once, why would you give

that back?

I had a cut above my eye once
and assumed everything I saw was bleeding.

The ground is better at giving us names
than the sky has ever been.

Voici une traduction personnelle de l'extrait ci-dessus :

LE MOTEUR

Le soleil tomba de la fenêtre, 
notre fille l'attrapa avec les dents.

Chaque tombée de la nuit
est un noir qu'ils ne peuvent pas tuer.

Les jours où ma voiture arrive jusqu'au 
garage sont les jours où je peux vivre pour toujours.

Même aplati sur le sol, le genou d'un officier 
enfoncé dans mon dos, j'ai l'air jeune pour mon âge.

Ils disent qu'on peut tracer le cours du temps en observant les étoiles
ou en sachant que toutes les étoiles qu'on voit sont déjà mortes.

Si les cimes des arbres sont la forme de vie la plus jeune, tout
De la terre de mon père ressemble au futur.

Quand je vais chercher le courrier, on me rappelle
Tout ce qui me survivra.

On a tenté de ressusciter nos ancêtres, mais ils ont refusé.

On vous a donné la mort une fois, pourquoi vous nous la reprendriez-t-elle ?

J'ai eu une coupure au-dessus d'un œil une fois
et ai supposé que tout ce que je voyais saignait.

Le sol est meilleur pour nous donner des noms
que ne l'a jamais été le ciel.

Extrait du poème THE ENGINE.


Mon avis : 

C'est toujours dur de donner un avis objectif sur un recueil de poésie. Je trouve ce genre si personnel que les sentiments à la lecture sont trop variables d'un lecteur à un autre. C'est pourquoi même si, après lecture, ce n'est pas le recueil de poésie qui m'a le plus plu, je suis certaine qu'il peut toucher beaucoup de lecteurs. 

Même si globalement les poèmes ne m'ont pas bouleversés plus que ça, ils y en a tout de même quelques uns qui m'ont mis une claque. De manière générale, les thèmes abordés sont très durs et émouvants : racisme, paternité, enfance… du point de vue d'un homme noir américain. Je pense que ces poèmes résonneront bien plus fort pour une personne noire, mais je pense être un peu trop "éloignée" du premier public visé par cette collection de poèmes. Alors, bien sûr, la corde de l'empathie vibre mais elle vibrerait bien plus encore avec l'identification. 

Malgré tout, la collection est cohérente d'un bout à l'autre, c'est plutôt bien écrit (même si certains poèmes n'étaient pas les plus simples à comprendre, probablement à cause de la structure et de la langue). Et vraiment, les thèmes abordés sont importants et percutants. Si vous êtes un tant soit peu touché par le racisme, vous trouverez au moins quelques poèmes qui réussiront à vous charmer, comme ce fut le cas pour moi.


Ma note :

13/20


Infos complémentaires :

Genre : Poésie
Editions : Simon & Schuster
Date de parution : 2020
Nombre de pages : 160

Konbini | Sayaka Murata


Résumé : 

Depuis l’enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. À trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n’a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s’inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d’œuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu’il apparaît qu’il n’a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu mais qui leur permettra d’éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps…


Extrait : 

Les supérettes japonaises résonnent de toutes sortes de bruits. De la clochette annonçant l’arrivée des clients à la litanie d’une idol pop faisant la promotion des nouveaux produits dans les haut-parleurs du magasin. Des voix des employés au bip du scanner à code-barres. Autant de signaux qui s’entremêlent pour venir caresser mon oreille : c’est le chant du konbini1.
Près de la caisse, le discret roulement d’une bouteille en plastique venue en remplacer une autre depuis le fond du présentoir me fait lever la tête — réaction instinctive lorsqu’un client attrape une boisson fraîche au moment de payer. La jeune femme, son eau minérale à la main, s’attarde un instant devant les desserts avant de revenir dans mon champ de vision.
J’aligne les boules de riz onigiri fraîchement livrées tout en laissant mon organisme analyser les informations relayées par les innombrables bruits qui fourmillent à travers le magasin. À cette heure de la matinée, on vend surtout des onigiri, des sandwiches et des salades composées. En face de moi, Sugehara procède à l’inventaire à l’aide d’un petit scanner pendant que je dispose avec soin les plats préparés. Deux rangées de fromage à la rogue de colin au centre, deux rangées de sandwiches thon-mayonnaise (produit phare de notre magasin) d’un côté, une rangée d’onigiri à la bonite séchée (qui se vendent moins bien) de l’autre. Courant contre la montre, je travaille sans réfléchir, mon corps obéissant aux directives gravées dans mon inconscient.
Un tintement métallique attire mon attention. Le bruit des piécettes que l’on trie dans sa paume, caractéristique des clients venus acheter un paquet de cigarettes ou un journal avant de rentrer chez eux, ne manque jamais de m’alerter. Mon instinct ne m’a pas trompée : un jeune homme s’avance, une canette de café dans une main, l’autre plongée dans sa poche. Je m’empresse de rejoindre la caisse. Il ne faudrait pas le faire attendre.
— Bonjour, bienvenue chez SmileMart ! lancé-je joyeusement en acceptant l’article qu’il me tend.
— Ah, je prendrai aussi des cigarettes, numéro 5.
— Bien sûr.
J’attrape et scanne un paquet de Marlboro light mentholées.
— Merci de confirmer votre âge, je vous prie.
Tout en appliquant l’index sur l’écran, le jeune homme porte son regard sur le présentoir de plats à emporter. Je m’apprête à lui demander s’il désire autre chose, avant de me raviser : il hésite.
— Et un pogo, aussi.
— Tout de suite, monsieur.
Je me désinfecte les mains avant d’ouvrir la vitrine pour en sortir une saucisse sur bâtonnet que j’emballe.
— Voulez-vous que je range votre boisson fraîche dans un sac à part ?
— Pas la peine, mettez tout ensemble.
Je place la canette de café, le paquet de cigarettes et la saucisse chaude empaquetée dans un sac de taille S. Le jeune homme fouille ses poches en quête de monnaie, avant de porter finalement la main à sa poitrine : il va régler par carte prépayée.
— Je paye par Suica.
— Bien entendu. Vous pouvez passer votre carte devant le lecteur.
Mon corps bouge de lui-même, guidé par les moindres gestes et coups d’œil du client décodés par ces précieux capteurs que sont mes yeux et mes oreilles. Je réagis au quart de tour, en prenant bien soin de ne pas le mettre mal à l’aise par des regards trop appuyés.
— Voici votre reçu. Merci et bonne journée !
Il accepte le papier en marmonnant un « merci » et se dirige vers la sortie.
— Bonjour, bienvenue chez SmileMart, merci de votre patience ! lancé-je à l’attention de la cliente suivante.

Extrait du roman Konbini


Mon avis : 

Etant très (très) en retard dans mes chroniques, je ne me souviens plus très bien de mon ressenti juste après avoir refermé les pages de ce court roman japonais. C'est cependant avec une certaine surprise que j'ai (re)découvert la note que je lui avait attribué. Le sentiment qui m'en reste aujourd'hui n'est pas des plus positifs, j'en garde surtout une sensation de malaise face à ces personnages "anormaux". J'utilise anormal dans le sens de "qui ne correspond pas à la norme de la société japonaise".

Même si l'aspect introspection et la comparaison avec la société japonaise est plutôt très intéressante, j'ai eu du mal avec le reste du roman et plus que tout avec ses personnages. Je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher au personnage de Keiko, ni aux personnages secondaires d'ailleurs... La critique sociale japonaise est ce qui m'a permis de continuer à lire ce roman. L'autrice dénonce une société où la norme prime sur l'individualité et la liberté d'être différent. Les contrastes sont édifiants. Je pense que le roman est percutant au point d'en être un peu troublant, d'où mon ressenti aujourd'hui de malaise. 

Point positif, j'ai trouvé le "décor" très immersif surtout si on a un peu de connaissances sur la culture japonaise. L'écriture, elle aussi, est très représentative de son pays d'origine. Pour un plongeon dans la société actuelle japonaise, c'est, me semble-t-il, le livre idéal.

Je ne suis pas sûre que ce roman plaise à tout le monde mais il reste tout de même intéressant pour sa réflexion sur la société japonaise et sur le droit à la différence.


Ma note :

14/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain
Editions : Denoël (& d'ailleurs)
Traduction : Mathilde Tamae-Bouhon
Date de parution : 2018
Nombre de pages : 128

samedi 7 novembre 2020

Violette Hurlevent et le jardin Sauvage | Paul Martin & J.B. Bourgois


Résumé : 

Nul ne sait quand le Jardin Sauvage est né.

Violette Hurlevent y entre le jour où elle doit s'échapper en urgence de la maison de sa mère. Elle découvre alors un univers immense, peuplé de créatures étranges.
Ici, les loups parlent, les pierres s'animent, et le temps s'écoule selon d'autres lois.

Mais la beauté du Jardin Sauvage cache de nombreux périls. Avec son chien Pavel, aussi courageux que gourmand, Violette va devoir affronter une menace bien plus terrible que les problèmes qu'elle voulait fuir…


Extrait : 

Le jardin était figé. Oublié depuis longtemps. dans les arbres, aucun chant d'oiseau. Autour des fleurs, nulle abeille ne bourdonnait. Pas un papillon, pas une coccinelle ni même un moucheron. Quelques tulipes, au garde-à-vous, semblaient attendre une inspection qui ne viendrait jamais.
Par endroits, une épaisse couche de poussière s'était accumulée sur les plantes, les arbres et les rochers. Même l'eau des mares et des ruisseaux paraissaient immobile ! Et dans les ombres, là où le soleil ne posait jamais ses rayons, la neige s'étendait, lisse et monotone.
Jusque sous les racines des souches, dans les trous des vieux arbres, derrière les roches, aps un souffle : le sommeil des habitants était profond comme un puits. Quant aux créatures sauvages, elle devaient être bien cachées, car rien qui coure, bondisse, vole ou rampe n'animait les bois, les collines et les plaines du jardin endormi.

Et puis il y eut un mouvement.
Très loin sous la terre, dans une galerie où la lumière ne parvenait jamais, un oeil s'ouvrit, puis un autre. Un long bâillement résonna. Une deuxième paire d'yeux cligna dans l'obscurité. Puis une troisième.
Enfin, les voix se firent entendre.
Quelqu'un approche, mesdames, dit la première - une voix calme, posée et pleine d'assurance. Je le sens.
Oh mais oui ! Je le sens aussi, les filles ! trépigna la deuxième, vive et joyeuse.
Vous dites n'importe quoi. Il n'y a personne, grogna la troisième voix. Rendormez-vous !
La deuxième voix reprit :
Mais si, Marguerite. Tu n'as pas senti ? Quelqu'un est entré dans le jardin. Il faut nous préparer. Il faut prévenir les habitants ! On va lui réserver un fameux accueil !
 Calme-toi un peu, Virginia, rétorqua la voix bourrue. Souviens-toi des deux garçons qui avaient escaladé la grille : fausse alerte. Et le type sourd qui promenait son chien : fausse alerte. Ils sont repartis, tous, sans rien voir. Dis-lui donc, Simone, que ça ne sert à rien de s'exciter comme ça.
Simone ne répondit pas tout de suite. Elle avait commencé à grimper le long du tunnel, et quelque chose d'appétissant lui avait flatté les narines. Tout en grattant la terre, elle dit :
Ne sois pas si rabat-joie, Marguerite. Bien sûr que rien n'est certain. Mais je sens que cette fois, c'est différent. Tiens : regarde ce beau ver, bien gras. C'est un bon présage.
Simone avala le ver de terre avec gourmandise, et ajouta :
Marguerite, reste là si tu veux. Moi, je monte. Virginia, tu viens avec moi ? Le moment est venu de voir ce qui se passe à la surface ! 


Extrait du Livre I : La Peau du Loup


Mon avis : 

Un roman jeunesse original que je suis bien contente de posséder. D'un point de vue, exclusivement esthétique, c'est une totale réussite à mes yeux. J'ai été complètement charmée par les illustrations de Jean-Baptiste Bourgois qui viennent sublimer le texte avec justesse et simplicité. Elles viennent vraiment enrichir la lecture et se fondent parfaitement à la narration. Vrai coup de cœur pour moi de ce point de vue-là. 

Concernant l'histoire en tant que telle, ce n'est pas un coup de cœur mais j'ai tout de même été séduite. Entre roman d'apprentissage et roman d'aventure, on plonge dans un univers végétal très riche et passionnant ! L'aventure se traduit par une quête dans un monde magique. On approche même de l'épopée chevaleresque (ou devrais-je dire canidresque ?) grâce à Pavel, le chien et fidèle destrier de notre héroïne. L'aspect apprentissage, lui, se trouve dans les épreuves que doit surmonter Violette : vaincre ses peurs, se dépasser, se protéger d'un père violent et toxique, se reconstruire, grandir et trouver cette force puissante cachée en chacun de nous. Comme vous pouvez le constater, ce roman aborde pas mal de thèmes différents (et encore je ne les ai pas tous cités) et j'ai beaucoup aimé cet aspect du roman car il permet d'ouvrir les yeux du lecteurs sur ces thématiques mais aussi de s'identifier à Violette.

Violette est une petite fille attachante et très courageuse, une vraie aventurière et protectrice du jardin. Je l'ai bien appréciée même si j'ai préféré les personnages secondaires qui apportent une vraie richesse au roman. J'ai trouvé les personnages secondaires très attachants. Pavel est clairement l'un des personnages que j'ai le plus aimé car il n'y a pas d'allié plus fabuleux à mes yeux qu'un chien. J'ai aussi adoré Myrtille et son apparence débraillée. Les habitants du jardin sont très variés et c'était vraiment chouette de découvrir tout ces "peuples". 

C'est pour moi, un roman vraiment original auquel il faut donner sa chance. Il y règne une certaine mélancolie et une sensation de relaxation qui j'espère sauront vous envelopper. Au final, j'en garde, malgré les thèmes parfois sombres, un sentiment de douceur berçante, une douceur qui vous fait oublier les tracas du quotidien pour voyager dans un ailleurs protecteur, d'où l'on sort grandit.

Ma note :

16/20


Infos complémentaires :

Genre : Jeunesse, Fantastique
Editions : Sarbacane
Date de parution : 2018
Nombre de pages : 438

Petit pays | Gaël Faye



Résumé : 

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…


Extrait : 

Je ne connaîtrai jamais les véritables raisons de la séparation de mes parents. Il devait pourtant y avoir un profond malentendu dès le départ. Un vice de fabrication dans leur rencontre, un astérisque que personne n’avait vu, ou voulu voir. Au temps d’avant, mes parents étaient jeunes et beaux. Des cœurs gonflés d’espoir comme le soleil des indépendances. Fallait voir ! Le jour de leur mariage, Papa n’en revenait pas de lui avoir passé la bague au doigt. Bien sûr, il avait un certain charme, le paternel, avec ses yeux verts tranchants, ses cheveux châtain clair veinés de blond et sa stature de Viking. Mais il n’arrivait pas à la cheville de Maman. Et c’était quelque chose, les chevilles de Maman ! Ça inaugurait de longues jambes effilées qui mettaient des fusils dans le regard des femmes et des persiennes entrouvertes devant celui des hommes. Papa était un petit Français du Jura, arrivé en Afrique par hasard pour effectuer son service civil, il venait d’un patelin dans les montagnes qui ressemblait à s’y méprendre aux paysages du Burundi, mais chez lui, il n’y en avait pas, des femmes avec l’allure de Maman, des roseaux d’eau douce à la silhouette fuselée, des beautés sveltes comme des gratte-ciel à la peau noire ébène et aux grands yeux de vaches Ankole. Fallait entendre ! Le jour de leur mariage, une rumba insouciante s’échappait de guitares mal accordées, le bonheur sifflotait des airs de cha-cha-cha sous un ciel piqué d’étoiles. C’était tout vu ! Y avait plus qu’à ! Aimer. Vivre. Rire. Exister. Toujours tout droit, sans s’arrêter, jusqu’au bout de la piste et même un peu plus.
Seulement mes parents étaient des adolescents paumés à qui l’on demande subitement de devenir des adultes responsables. Ils sortaient à peine de leur puberté, de leurs hormones, de leurs nuits blanches, qu’il fallait déjà débarrasser les cadavres de bouteilles sifflées, vider les culs de joints des cendriers, ranger dans leur pochette les vinyles de rock psychédélique, plier les pantalons pattes d’éph et les chemises indiennes. La cloche avait sonné. Les enfants, les impôts, les obligations, les soucis sont arrivés, trop tôt, trop vite, et avec eux le doute et les coupeurs de route, les dictateurs et les coups d’État, les programmes d’ajustements structurels, les renoncements aux idéaux, les matins qui peinent à se lever, le soleil qui traîne chaque jour un peu plus dans son lit. Le réel s’est imposé. Rude. Féroce. La nonchalance des débuts s’est muée en cadence tyrannique comme le tic-tac implacable d’une pendule. Le naturel s’est pris pour un boomerang et mes parents l’ont reçu en plein visage, comprenant qu’ils avaient confondu le désir et l’amour, et que chacun avait fabriqué les qualités de l’autre. Ils n’avaient pas partagé leurs rêves, simplement leurs illusions. Un rêve, ils en avaient eu un chacun, à soi, égoïste, et ils n’étaient pas prêts à combler les attentes de l’autre.
Mais au temps d’avant, avant tout ça, avant ce que je vais raconter et tout le reste, c’était le bonheur, la vie sans se l’expliquer. L’existence était telle qu’elle était, telle qu’elle avait toujours été et que je voulais qu’elle reste. Un doux sommeil, paisible, sans moustique qui vient danser à l’oreille, sans cette pluie de questions qui a fini par tambouriner la tôle de ma tête. Au temps du bonheur, si l’on me demandait « Comment ça va ? » je répondais toujours « Ça va ! ». Du tac au tac. Le bonheur, ça t’évite de réfléchir. C’est par la suite que je me suis mis à considérer la question. À soupeser le pour et le contre. À esquiver, à opiner vaguement du chef. D’ailleurs, tout le pays s’y était mis. Les gens ne répondaient plus que par « Ça va un peu ». Parce que la vie ne pouvait plus aller complètement bien après tout ce qui nous était arrivé.

Extrait du chapitre 1


Mon avis : 

Si je devais décrire ce roman en trois mots, je choisirais : poétique, riche et émouvant. C'est un très beau roman qui m'a beaucoup touchée bien que sortant vraiment de ma zone de confort. Mais la plume de Gaël Faye m'a complétement ensorcelée. L'auteur s'est manié les mots avec précision et poésie, c'est très beau et très agréable à lire.

Ce livre aborde un sujet dur et sensible : la guerre au Rwanda entre les Hutus et les Tutsi, à travers les yeux d'un enfant d'une mère rwandaise et d'un père français. C'est un roman semi-autobiographique et cela rend l'histoire encore plus réelle, riche et percutante. J'ai trouvé le contraste entre la brutalité de l'histoire, de la guerre et l'innocence de l'enfance et la beauté de l'écriture très puissante et très réussie. 

Le rythme est aussi très bon et dans ce récit sombre et dramatique, l'auteur nous offre des petites touches d'humour qui nous permettent de reprendre notre souffle avant de replonger dans l'émotion brute, qu'elle soit douce ou plus amère. J'ai vraiment aimé la richesse des émotions présente dans ce livre. C'était une lecture très authentique et bouleversante. A deux doigts du coup de cœur ! 


Ma note :

17/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain
Editions : Grasset
Date de parution : 2016
Nombre de pages : 224