vendredi 12 juin 2020

La servante du Seigneur | Jean-Louis Fournier


Résumé : 

Ma fille était belle, ma fille était intelligente, ma fille était drôle…
Mais elle a rencontré Monseigneur. Il a des bottines qui brillent et des oreilles pointues comme Belzébuth. Il lui a fait rencontrer Jésus. Depuis, ma fille n’est plus la même.
Elle veut être sainte.
Rose comme un bonbon, bleue comme le ciel.


Extrait : 

J’ai égaré ma fille.
Je suis retourné à l’endroit où je l’avais laissée, elle n’y était plus.
J’ai cherché partout.
J’ai fouillé les forêts, j’ai sondé les lacs, j’ai passé le sable au tamis, j’ai cardé les nuages, j’ai filtré la mer…
Je l’ai retrouvée.
Elle a bien changé.
Je l’ai à peine reconnue.
Elle est grave, elle est sérieuse, elle dit des mots qu’elle ne disait pas avant, elle parle comme un livre.
Je me demande si c’est vraiment elle.

Tu étais charmante et drôle.
Elle est devenue une dame grise, sérieuse comme un pape.
Elle est sévère, elle plaisante moins, elle est dogmatique, autoritaire, elle aime bien faire la morale aux autres.
Les autres, ceux qui ont toujours tort.
Tu t’habillais fort joliment de couleurs vives, tu n’avais pas peur d’être excentrique, même parfois extravagante, tu dénichais aux puces, pour une misère, des fringues étonnantes.
Elle ne se maquille plus. Elle est toujours belle, elle ressemble à un officier de l’Armée du Salut.
Maintenant, elle porte du classique, des vêtements sombres, couleur muraille.

Le loden avant la bure ?

Tu te souviens ?
Un jour, tu m’as demandé ce que je penserais si tu étais religieuse.
C’était il y a plus de dix ans, on venait d’emménager dans notre maison de Paris. Je t’ai répondu tout de suite que je serais flatté. J’ai même ajouté : « Dieu est très fair play avec moi. Après tout ce que j’ai écrit sur lui, il me donne une fille religieuse. Il n’est pas rancunier. »
J’ai cru que tu allais rentrer dans les ordres, chez les carmélites ou les dominicaines.
Tu aurais fait une belle religieuse.
J’ai imaginé la scène de prise d’habit. Les fleurs blanches partout, les lys à l’odeur entêtante, les grandes orgues triomphales. Toi, rayonnante comme tu l’étais avant, d’abord en robe de mariée, puis en robe de religieuse, allongée sur le sol en signe de soumission devant Dieu.
Puis ton visage radieux, tes parents en dimanche et en larmes, conscients d’offrir à Dieu le plus beau des cadeaux. De lui donner ce qu’on a fait de mieux, notre chef-d’œuvre.
Qu’est-ce que tu pensais, à l’époque ? Pensais-tu sérieusement être religieuse, ou tu tâtais le terrain ?
Tu sais bien que je ne suis pas anticlérical, ni agnostique, ni athée. Peut-être panthéiste, tendance iconoclaste.
Je n’aime pas qu’on se moque des curés, je préfère le faire moi-même.
Je l’ai entendue, après, dire du mal de l’Église catholique actuelle, des couvents, des prêtres, des moines, des fidèles. J’avais de la peine à penser qu’elle pouvait entrer dans cette Église-là.

Elle est entrée en religion, mais laquelle ?

Extrait des premières pages du roman


Mon avis : 

Si vous avez déjà lu un livre de Jean-Louis Fournier et que vous avez aimé, il y a de très, très forte chance pour que vous aimiez aussi ce roman-ci. 

Comme à chaque fois, Jean-Louis Fournier m'emporte dans sa vie grâce à sa plume vive, authentique, honnête et sarcastique. C'est pour moi un point très fort de ses romans.

L'auteur évoque toujours des événements de sa vie et dans ce roman-ci, il nous parle de sa fille, de sa relation avec elle et des changements qui se sont opérés lorsqu'elle a décidé de consacré sa vie à l'église.

Grâce à ce côté autobiographie, l'oeuvre est très poignante, touchante et percutante. J'aime le contraste entre la richesse des émotions que l'auteur nous transmet et le sarcasme qu'il insuffle à toutes ses pensées et réflexions. Son sarcasme frôle parfois la limite du politiquement correct. 

Ce roman-ci, comme les autres d'ailleurs, est très court et se lit donc extrêmement vite. C'en est presque frustrant tellement l'histoire et la plume sont plaisantes. 

Bien entendu, je ne suis pas des plus impartiales concernant la qualité de ce roman car Jean-Louis Fournier est l'un de mes auteurs favoris. Malgré tout, même si ce roman est très réussi, je ne pense pas que ce soit le meilleur pour commencer sa découverte de l'auteur. Je vous invite plutôt à découvrir Veuf ou Où on va papa ? en premier. 


Ma note :

17/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain, Autobiographique
Editions : Stock
Date de parution : 2013
Nombre de pages : 146

The Turn of the Screw | Henry James


Résumé : 

A very young woman's first job: governess for two weirdly beautiful, strangely distant, oddly silent children, Miles and Flora, at a forlorn estate...An estate haunted by a beckoning evil.

Half-seen figures who glare from dark towers and dusty windows- silent, foul phantoms who, day by day, night by night, come closer, ever closer. With growing horror, the helpless governess realizes the fiendish creatures want the children, seeking to corrupt their bodies, possess their minds, own their souls...

But worse-much worse- the governess discovers that Miles and Flora have no terror of the lurking evil.

For they want the walking dead as badly as the dead want them.

Voici une traduction personnelle du résumé ci-dessus :

Le tout premier emploi d’une jeune femme : gouvernante de deux enfants étrangement magnifiques, curieusement distants, bizarrement silencieux, Miles et Flora, dans un domaine triste et isolé. Un domaine hanté par un mal attirant.

Des silhouettes entraperçues qui observent depuis des tours sombres et des fenêtres poussiéreuses. Des spectres silencieux et odieux qui, jour après jour, nuit après après, se rapprochent toujours plus. Avec une horreur grandissante, la gouvernante, impuissante, se rend compte que les monstrueuses veulent les enfants, cherchant à corrompre leur corps, à s’emparer de leur esprit, à posséder  leur âme…

Mais encore plus horrible que cela… bien plus horrible… La gouvernante découvre que Miles et Flora n’ont pas peur du mal qui rôde.

Car ils veulent les morts-vivants autant que la mort ne les veut.


Extrait : 

I remember the whole beginning as a succession of flights and drops, a little seesaw of the right throbs and the wrong. After rising, in town, to meet his appeal, I had at all events a couple of very bad days—found myself doubtful again, felt indeed sure I had made a mistake. In this state of mind I spent the long hours of bumping, swinging coach that carried me to the stopping place at which I was to be met by a vehicle from the house. This convenience, I was told, had been ordered, and I found, toward the close of the June afternoon, a commodious fly in waiting for me. Driving at that hour, on a lovely day, through a country to which the summer sweetness seemed to offer me a friendly welcome, my fortitude mounted afresh and, as we turned into the avenue, encountered a reprieve that was probably but a proof of the point to which it had sunk. I suppose I had expected, or had dreaded, something so melancholy that what greeted me was a good surprise. I remember as a most pleasant impression the broad, clear front, its open windows and fresh curtains and the pair of maids looking out; I remember the lawn and the bright flowers and the crunch of my wheels on the gravel and the clustered treetops over which the rooks circled and cawed in the golden sky. The scene had a greatness that made it a different affair from my own scant home, and there immediately appeared at the door, with a little girl in her hand, a civil person who dropped me as decent a curtsy as if I had been the mistress or a distinguished visitor. I had received in Harley Street a narrower notion of the place, and that, as I recalled it, made me think the proprietor still more of a gentleman, suggested that what I was to enjoy might be something beyond his promise.

I had no drop again till the next day, for I was carried triumphantly through the following hours by my introduction to the younger of my pupils. The little girl who accompanied Mrs. Grose appeared to me on the spot a creature so charming as to make it a great fortune to have to do with her. She was the most beautiful child I had ever seen, and I afterward wondered that my employer had not told me more of her. I slept little that night—I was too much excited; and this astonished me, too, I recollect, remained with me, adding to my sense of the liberality with which I was treated. The large, impressive room, one of the best in the house, the great state bed, as I almost felt it, the full, figured draperies, the long glasses in which, for the first time, I could see myself from head to foot, all struck me—like the extraordinary charm of my small charge—as so many things thrown in. It was thrown in as well, from the first moment, that I should get on with Mrs. Grose in a relation over which, on my way, in the coach, I fear I had rather brooded. The only thing indeed that in this early outlook might have made me shrink again was the clear circumstance of her being so glad to see me. I perceived within half an hour that she was so glad—stout, simple, plain, clean, wholesome woman—as to be positively on her guard against showing it too much. I wondered even then a little why she should wish not to show it, and that, with reflection, with suspicion, might of course have made me uneasy.

Voici une traduction personnelle de l'extrait ci-dessus :

Je me souviens de tout le début comme d’une succession de hauts et de bas, une petite scie formée par les bons et les mauvais moments. Après m’être rendue en ville pour répondre à son appel, j’eus, en tout état de cause, deux ou trois très mauvais jours : j’étais à nouveau indécise, et étais au contraire persuadée d’avoir commis une erreur. C’est dans cet état d’esprit que je passai les longues heures de secousses et de brinquebalements du train qui m’emmenait jusqu’à l’arrêt où je trouverais un véhicule  venant de la maison. Cette commodité, m’avait-on dit, avait été commandé et je trouvai, vers la fin d’après-midi de ce mois de Juin, un cab confortable qui m’attendait. Voyageant à cette heure, un si beau jour, à travers une campagne où la douceur de l’été semblait m’offrir un accueil chaleureux, la force d’âme s’empara à nouveau de moi et, alors que nous tournions sur l’avenue, profita d’un répit qui n’était probablement que la preuve de l’état dans laquelle elle avait sombré. Je suppose que je m’étais attendue, ou que j’avais craint, une chose si mélancolique que ce qui m’accueillit, fut une bonne surprise. Je me souviens de cette très  agréable impression que me fit  la large façade claire, ses fenêtres ouvertes et ses nouveaux rideaux et la paire de domestiques qui regardaient dehors. Je me souviens la pelouse et les fleurs aux couleurs vives et le crissement du gravier sous mes roues et la cime des arbres groupés, au dessus desquels les corbeaux tournaient et croassaient dans le ciel doré. La scène avait quelque chose de remarquable qui la rendait bien différente de ma modeste maison, et immédiatement apparu à la porte, tenant une petite fille par la main, une personne civile qui me fit une révérence aussi courtoise que si j’eus été la maîtresse de maison ou un éminent visiteur. On m’avait communiquée une représentation plus restreinte de l’endroit à Harley Street, et cela, tel que je me le rappelle, me fit penser que le propriétaire, davantage un gentleman, suggérait que ce que je devrais apprécier pourrait  être quelque chose au-delà de sa promesse.

Je n’eus pas d’autre baisse de courage avant le jour suivant, car je passai les heures suivants mon arrivée de manière triomphante en faisant la connaissance de la plus jeune de mes élèves. La petite fille qui accompagnait Mrs Grose m’apparut immédiatement comme une créature si charmante que c’était une chance inouïe d’avoir à m’occuper d’elle. C’était l’enfant la plus jolie qu’il m’est été de voir, et je m’étonnais plus tard que mon employeur ne m’ait pas plus parler d’elle. Je dormis peu cette nuit-là : j’étais bien trop excitée ; et cela me troubla et, je me souviens, m’obséda aussi, ajoutant à l’impression que j’avais d’être traitée avec générosité. La grande chambre, impressionnante, l’une des plus belles de la maison, le magnifique lit à la française, comme je le sentais presque, les lourdes tentures ouvragées, les grands miroirs dans lesquels, pour la première fois, je pouvais me voir de la tête aux pieds, tout me frappa – comme le charme extraordinaire de la petite dont j’avais la charge – comme tant de choses convenues. Il était aussi convenu que, dès le début, je m’entendrais avec Mrs Grose, une relation dont je crains avoir grandement ruminer l’idée au cours de mon voyage en train. La seule chose en effet qui, à première vue, aurait pu me décourager à nouveau était l’évident ravissement qu’elle ressenti à mon arrivée. Je perçus en une demi-heure qu’elle était si heureuse (une femme corpulente, simple, quelconque, irréprochable et saine) qu’elle se tenait positivement sur ses gardes afin de ne pas trop montrer sa joie. Je me demandais, à ce moment, pourquoi ne voulait-elle pas le montrer et que, après réflexion, , cela m’aurait donnée quelque soupçon et, bien sûr, peut-être rendue mal à l’aise.

Extrait du chapitre 2


Mon avis : 

Ce classique est assez particulier et je ne pense pas qu'il plaise à tout le monde.

Dans un premier temps, l'écriture est assez spéciale voire un peu lourde, on va pas se mentir... Les phrases sont longues et le vocabulaire un peu daté (logique étant donné sa date de parution) et cela ne facilite pas la lecture... J'ai eu besoin de pas mal de concentration, surtout à la lecture de la VO... J'ai donc mis pas mal de temps à le lire alors qu'il est vraiment court. De plus, l'histoire est, de manière générale, assez floue... En tant que lecteur, on est régulièrement en train de se demander "okay, mais il se passe quoi là ?"

Les personnages ne sont pas particulièrement attachants et les enfants en particulier sont très bizarres... Et, étant donné le genre, les personnages ne sont pas très fiables, tout est basé sur des impressions... cela ajoute au flou créé par l'écriture.

Un point un peu étrange est que l'histoire est une histoire ancrée dans une autre histoire mais on ne revient jamais à la première histoire qui permet d'introduire l'histoire sur lequel se concentre le livre. Ça donne une impression de pas fini... C'est bizarre...

Somme toute c'est intéressant mais bizarre, il ne se passe pas grand chose et  ça ne fait pas très peur... Le plus gros point noir pour moi reste l'écriture qui risque vraiment d'en rebuter plus d'un...



Ma note :

14/20


Infos complémentaires :

Genre : Classique, Horreur
Editions : Penguin Books
Date de parution : 2011 (1ère publication : 1898)
Nombre de pages : 134

Plusieurs éditions françaises existent, alors j'ai choisi la plus récente (enfin la plus récente pour laquelle j'ai pu trouvé le traducteur, parce que je vais pas promouvoir une maison d'édition qui ne mentionne nulle part sur le net leur traducteur) : Le tour d'écrou traduit par Christine Savinel publié aux éditions Gallimard, collection "Bibliothèque de la Pléiade" en 2011.