dimanche 8 novembre 2020

Konbini | Sayaka Murata


Résumé : 

Depuis l’enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. À trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n’a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s’inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d’œuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu’il apparaît qu’il n’a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu mais qui leur permettra d’éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps…


Extrait : 

Les supérettes japonaises résonnent de toutes sortes de bruits. De la clochette annonçant l’arrivée des clients à la litanie d’une idol pop faisant la promotion des nouveaux produits dans les haut-parleurs du magasin. Des voix des employés au bip du scanner à code-barres. Autant de signaux qui s’entremêlent pour venir caresser mon oreille : c’est le chant du konbini1.
Près de la caisse, le discret roulement d’une bouteille en plastique venue en remplacer une autre depuis le fond du présentoir me fait lever la tête — réaction instinctive lorsqu’un client attrape une boisson fraîche au moment de payer. La jeune femme, son eau minérale à la main, s’attarde un instant devant les desserts avant de revenir dans mon champ de vision.
J’aligne les boules de riz onigiri fraîchement livrées tout en laissant mon organisme analyser les informations relayées par les innombrables bruits qui fourmillent à travers le magasin. À cette heure de la matinée, on vend surtout des onigiri, des sandwiches et des salades composées. En face de moi, Sugehara procède à l’inventaire à l’aide d’un petit scanner pendant que je dispose avec soin les plats préparés. Deux rangées de fromage à la rogue de colin au centre, deux rangées de sandwiches thon-mayonnaise (produit phare de notre magasin) d’un côté, une rangée d’onigiri à la bonite séchée (qui se vendent moins bien) de l’autre. Courant contre la montre, je travaille sans réfléchir, mon corps obéissant aux directives gravées dans mon inconscient.
Un tintement métallique attire mon attention. Le bruit des piécettes que l’on trie dans sa paume, caractéristique des clients venus acheter un paquet de cigarettes ou un journal avant de rentrer chez eux, ne manque jamais de m’alerter. Mon instinct ne m’a pas trompée : un jeune homme s’avance, une canette de café dans une main, l’autre plongée dans sa poche. Je m’empresse de rejoindre la caisse. Il ne faudrait pas le faire attendre.
— Bonjour, bienvenue chez SmileMart ! lancé-je joyeusement en acceptant l’article qu’il me tend.
— Ah, je prendrai aussi des cigarettes, numéro 5.
— Bien sûr.
J’attrape et scanne un paquet de Marlboro light mentholées.
— Merci de confirmer votre âge, je vous prie.
Tout en appliquant l’index sur l’écran, le jeune homme porte son regard sur le présentoir de plats à emporter. Je m’apprête à lui demander s’il désire autre chose, avant de me raviser : il hésite.
— Et un pogo, aussi.
— Tout de suite, monsieur.
Je me désinfecte les mains avant d’ouvrir la vitrine pour en sortir une saucisse sur bâtonnet que j’emballe.
— Voulez-vous que je range votre boisson fraîche dans un sac à part ?
— Pas la peine, mettez tout ensemble.
Je place la canette de café, le paquet de cigarettes et la saucisse chaude empaquetée dans un sac de taille S. Le jeune homme fouille ses poches en quête de monnaie, avant de porter finalement la main à sa poitrine : il va régler par carte prépayée.
— Je paye par Suica.
— Bien entendu. Vous pouvez passer votre carte devant le lecteur.
Mon corps bouge de lui-même, guidé par les moindres gestes et coups d’œil du client décodés par ces précieux capteurs que sont mes yeux et mes oreilles. Je réagis au quart de tour, en prenant bien soin de ne pas le mettre mal à l’aise par des regards trop appuyés.
— Voici votre reçu. Merci et bonne journée !
Il accepte le papier en marmonnant un « merci » et se dirige vers la sortie.
— Bonjour, bienvenue chez SmileMart, merci de votre patience ! lancé-je à l’attention de la cliente suivante.

Extrait du roman Konbini


Mon avis : 

Etant très (très) en retard dans mes chroniques, je ne me souviens plus très bien de mon ressenti juste après avoir refermé les pages de ce court roman japonais. C'est cependant avec une certaine surprise que j'ai (re)découvert la note que je lui avait attribué. Le sentiment qui m'en reste aujourd'hui n'est pas des plus positifs, j'en garde surtout une sensation de malaise face à ces personnages "anormaux". J'utilise anormal dans le sens de "qui ne correspond pas à la norme de la société japonaise".

Même si l'aspect introspection et la comparaison avec la société japonaise est plutôt très intéressante, j'ai eu du mal avec le reste du roman et plus que tout avec ses personnages. Je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher au personnage de Keiko, ni aux personnages secondaires d'ailleurs... La critique sociale japonaise est ce qui m'a permis de continuer à lire ce roman. L'autrice dénonce une société où la norme prime sur l'individualité et la liberté d'être différent. Les contrastes sont édifiants. Je pense que le roman est percutant au point d'en être un peu troublant, d'où mon ressenti aujourd'hui de malaise. 

Point positif, j'ai trouvé le "décor" très immersif surtout si on a un peu de connaissances sur la culture japonaise. L'écriture, elle aussi, est très représentative de son pays d'origine. Pour un plongeon dans la société actuelle japonaise, c'est, me semble-t-il, le livre idéal.

Je ne suis pas sûre que ce roman plaise à tout le monde mais il reste tout de même intéressant pour sa réflexion sur la société japonaise et sur le droit à la différence.


Ma note :

14/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain
Editions : Denoël (& d'ailleurs)
Traduction : Mathilde Tamae-Bouhon
Date de parution : 2018
Nombre de pages : 128

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