vendredi 3 janvier 2020

My sister, the serial killer | Oyinkan Braithwaite



Résumé : 

When Korede's dinner is interrupted one night by a distress call from her sister, Ayoola, she knows what's expected of her: bleach, rubber gloves, nerves of steel and a strong stomach. This'll be the third boyfriend Ayoola's dispatched in, quote, self-defence and the third mess that her lethal little sibling has left Korede to clear away. She should probably go to the police for the good of the menfolk of Nigeria, but she loves her sister and, as they say, family always comes first. Until, that is, Ayoola starts dating the doctor where Korede works as a nurse. Korede's long been in love with him, and isn't prepared to see him wind up with a knife in his back: but to save one would mean sacrificing the other...

Voici une traduction personnelle du résumé ci-dessus :

Quand, une nuit,  le dîner de Korede est interrompu par un appel d’urgence de sa sœur, Ayoola, elle sait ce qu’elle attend d’elle : de la javel, des gants en caoutchouc, des nerfs d’acier et un estomac bien accroché. Ce sera le troisième petit ami qu’Ayoola aura abattu en situation de « légitime défense » et la troisième pagaille que sa tueuse de petite sœur laissera à Korede le soin de nettoyer. Elle devrait probablement informer la police pour le bien des hommes Nigérians, mais elle aime sa sœur, et comme on dit, la famille passe toujours en premier. Jusqu’à ce qu’Ayoola commence à sortir avec le médecin avec lequel Ayoola travaille en tant qu’infirmière. Depuis longtemps, Korede est amoureuse de lui et n’est pas prête à le voir mort avec un couteau planté dans le dos : mais en sauver un voudrait dire en sacrifier un autre…  


Extrait : 

I bet you didn’t know that bleach masks the smell of blood. Most people use bleach indiscriminately, assuming it is a catchall product, never taking the time to read the list of ingredients on the back, never taking the time to return to the recently wiped surface to take a closer look. Bleach will disinfect, but it’s not great for cleaning residue, so I use it only after I have first scrubbed the bathroom of all traces of life, and death.
It is clear that the room we are in has been remodeled recently. It has that never-been-used look, especially now that I’ve spent close to three hours cleaning up. The hardest part was getting to the blood that had seeped in between the shower and the caulking. It’s an easy part to forget.
There’s nothing placed on any of the surfaces; his shower gel, toothbrush and toothpaste are all stored in the cabinet above the sink. Then there’s the shower mat—a black smiley face on a yellow rectangle in an otherwise white room.
Ayoola is perched on the toilet seat, her knees raised and her arms wrapped around them. The blood on her dress has dried and there is no risk that it will drip on the white, now glossy floors. Her dreadlocks are piled atop her head, so they don’t sweep the ground. She keeps looking up at me with her big brown eyes, afraid that I am angry, that I will soon get off my hands and knees to lecture her.
I am not angry. If I am anything, I am tired. The sweat from my brow drips onto the floor and I use the blue sponge to wipe it away.
I was about to eat when she called me. I had laid everything out on the tray in preparation—the fork was to the left of the plate, the knife to the right. I folded the napkin into the shape of a crown and placed it at the center of the plate. The movie was paused at the beginning credits and the oven timer had just rung, when my phone began to vibrate violently on my table.
By the time I get home, the food will be cold.
I stand up and rinse the gloves in the sink, but I don’t remove them. Ayoola is looking at my reflection in the mirror.
“We need to move the body,” I tell her.
“Are you angry at me?”
Perhaps a normal person would be angry, but what I feel now is a pressing need to dispose of the body. When I got here, we carried him to the boot of my car, so that I was free to scrub and mop without having to countenance his cold stare.
“Get your bag,” I reply.
We return to the car and he is still in the boot, waiting for us.
The third mainland bridge gets little to no traffic at this time of night, and since there are no lamplights, it’s almost pitch-black, but if you look beyond the bridge you can see the lights of the city. We take him to where we took the last one—over the bridge and into the water. At least he won’t be lonely.
Some of the blood has seeped into the lining of the boot. Ayoola offers to clean it, out of guilt, but I take my homemade mixture of one spoon of ammonia to two cups of water from her and pour it over the stain. I don’t know whether or not they have the tech for a thorough crime scene investigation in Lagos, but Ayoola could never clean up as efficiently as I can.

Voici une traduction personnelle de l'extrait ci-dessus :

Je parie que vous ne saviez pas que la javel masque l’odeur du sang. La plupart des gens utilisent la javel sans distinction, partant du principe que c’est un produit à tout faire, ne prenant jamais le temps de lire la liste des ingrédients au dos de la bouteille, ne prenant jamais le temps de retourner sur les lieux fraîchement nettoyer pour y jeter un coup d’œil. La javel désinfectera mais ce n’est pas génial pour enlever les résidus, donc je l’utilise seulement après avoir récuré la salle de bain de toutes traces de vie, et de mort.
C’est clair que la pièce dans laquelle nous sommes a récemment été refaite. Elle a cet air de neuf, encore plus maintenant que je viens de passer près de trois heures à la nettoyer. La partie la plus difficile a été d’atteindre le sang qui s’était infiltré entre la douche et le mastic. C’est une partie qu’on oublie facilement. 
Rien n’est posé sur les différentes surfaces : son gel douche, sa brosse à dents et son dentifrice sont tous rangés dans le placard au-dessus du lavabo. Puis il y a le tapis de bain, un smiley noir sur un rectangle jaune dans une pièce entièrement blanche.
Ayoola est perchée sur la cuvette des toilettes, les genoux remontés et ses bras les entourant. Le sang sur sa robe a séché et il n’y a aucun risque qu’il goutte sur le sol blanc et maintenant brillant. Ses dreadlocks sont amassées sur le haut de sa tête afin qu’elles ne touchent pas le sol. Elle n’arrête pas de me regarder de ses grands yeux marrons, apeurée à l’idée que je sois en colère, que je vais bientôt me mettre à genoux pour lui faire la morale.
Je ne suis pas en colère. S’il y a bien une chose que je suis, c’est fatiguée. La sueur de mon front goutte sur le sol et j’utilise l’éponge bleue pour l’essuyer. J’étais sur le point de manger lorsqu’elle m’a appelée. J’avais tout sorti sur la table, tout était prêt : la fourchette à gauche de l’assiette, le couteau à droite. J’avais plié la serviette en forme de couronne et l’avais placé au centre de l’assiette. Le film était sur pause, au générique de début et le minuteur du four venait juste de sonner lorsque mon téléphone commença à vibrer violemment sur la table.
Le temps que je rentre à la maison, la nourriture sera froide.
Je me lève et rince les gants dans le lavabo, mais je ne les retire pas. Ayoola observe mon reflet dans le miroir.
« Il faut qu’on déplace le corps », lui dis-je.
« Tu es en colère contre moi ? »
Peut-être qu’une personne normale serait en colère, mais ce que je ressens à l’instant c’est un besoin pressant de me débarrasser du corps. Quand je suis arrivée, on l’a transporté jusqu’au coffre de ma voiture afin que je puisse tranquillement récurer et laver le sol sans avoir à supporter son regard froid.
« Prend ton sac », lui rétorqué-je.
Nous retournons à la voiture et il est toujours dans le coffre, nous attendant. 
Quasiment personne ne circule sur le Third Mainland Bridge à cette heure de la nuit, et étant donné qu’il n’y a pas de lampadaires, il fait presque nuit noire, mais si vous regardez au-delà du pont vous pouvez voir les lumières de la ville. On l’emmène là où l’on a emmené le précédent – au-dessus du pont et dans l’eau. Au moins, il ne sera pas seul.
Un peu de sang s’est infiltré dans le revêtement du coffre. Ayoola propose de le nettoyer, avec un sentiment de culpabilité, mais je lui prend des mains ma mixture maison : une cuillère d’ammoniaque dans deux cent cinquante millilitres d’eau et la verse sur la tache. Je ne sais pas s’ils ont la technologie qu’il faut pour une enquête minutieuse d’une scène de crime à Lagos, mais Ayoola ne pourra jamais nettoyer aussi efficacement que moi.

Extrait de Bleach/Javel.


Mon avis : 

Le roman est construit de manière très intéressante : l'alternance entre le présent et les flashbacks de l'enfance des deux sœurs offre un éclairage qui déclenche des engrenages dans l'esprit du lecteur. Le suspense est conservé jusqu'au bout, et même si la fin peut paraitre frustrante, elle est en fin de compte parfaitement adaptée : elle laisse la porte ouverte aux suites des pérégrinations des deux sœurs tout en concluant l'histoire. Le roman est découpé en très courts chapitres qui narrent une brève anecdote ou un souvenir de la vie de Korede, à l'image de ce que l'on retrouverai dans un journal intime. 

L'intrigue est riche en rebondissements et en secrets que l'on découvre par petites touches, et qui prennent parfois sens plus tard dans la narration. La construction du roman et les nombreux retournements de situations offrent à l'histoire un rythme haletant le plaçant au rang de "page-turner". L'autrice développe ses personnages au fil des évènements tragiques qui parsèment leur vie. Korede, le personnage principal, se construit dans le conflit et le dilemme, ce qui la rend très attachante aux yeux du lecteur malgré un stoïcisme sans faille face aux atrocités que commet sa sœur. 

Le roman est chargé d'un humour noir et grinçant qui s'accorde parfaitement au thème sombre de cette folle histoire ce qui pousse le lecteur à réfléchir. L'écriture est cinglante, en accord avec l'humour. L'équilibre entre humour noir et rebondissements sombres et insoupçonnés est parfaitement maîtrisé, créant ainsi un roman toute en nuance. 

On ne peut refermer le livre sans se demander ce que nous aurions fait à la place de Korede et sans se questionner sur nos relations familiales et ce que nous sommes prêt à tolérer et accepter par amour pour notre famille.


Ma note :

18/20


Infos complémentaires :

Genre : Thriller
Editions : Knopf 
Date de parution : 2018
Nombre de pages : 240

Une version française a été publiée aux éditions Delcourt en 2019, traduite par Christine Barnaste, sous le titre Ma soeur, serial killeuse.

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