Tome 1 de L'entre-deux-guerres
Résumé :
Rescapés du chaos de la Grande Guerre, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne veut plus d'eux. Malheur aux vainqueurs ! La France glorifie ses morts et oublie les survivants. Albert, employé modeste et timoré, a tout perdu. Edouard, artiste flamboyant mais brisé, est écrasé par son histoire familiale. Désarmés et abandonnés après le carnage, tous deux sont condamnés à l'exclusion. Refusant de céder à l'amertume ou au découragement, ils vont, ensemble, imaginer une arnaque d'une audace inouïe qui mettra le pays tout entier en effervescence. Bien au-delà de la vengeance et de la revanche de deux hommes détruits par une guerre vaine et barbare, Au revoir là-haut est l'histoire caustique et tragique d’un défi à la société, à l'État, à la famille, à la morale patriotique responsables de leur enfer.
Extrait :
Il s’en rendait bien compte, son refus de croire à l’approche d’un armistice tenait surtout de la magie : plus on espère la paix, moins on donne de crédit aux nouvelles qui l’annoncent, manière de conjurer le mauvais sort. Sauf que, jour après jour, ces informations arrivèrent par vagues de plus en plus serrées et que, de partout, on se mit à répéter que la guerre allait vraiment prendre fin. On lut même des discours, c’était à peine croyable, sur la nécessité de démobiliser les soldats les plus vieux qui se traînaient sur le front depuis des années. Quand l’armistice devint enfin une perspective raisonnable, l’espoir d’en sortir vivant commença à tarauder les plus pessimistes. En conséquence de quoi, question offensive, plus personne ne fut très chaud. On disait que la 163e DI allait tenter de passer en force de l’autre côté de la Meuse. Quelques-uns parlaient encore d’en découdre avec l’ennemi, mais globalement, vu d’en bas, du côté d’Albert et de ses camarades, depuis la victoire des Alliés dans les Flandres, la libération de Lille, la déroute autrichienne et la capitulation des Turcs, on se sentait beaucoup moins frénétique que les officiers. La réussite de l’offensive italienne, les Anglais à Tournai, les Américains à Châtillon… on voyait qu’on tenait le bon bout. Le gros de l’unité se mit à jouer la montre et on discerna une ligne de partage très nette entre ceux qui, comme Albert, auraient volontiers attendu la fin de la guerre, assis là tranquillement avec le barda, à fumer et à écrire des lettres, et ceux qui grillaient de profiter des derniers jours pour s’étriper encore un peu avec les Boches.
Cette ligne de démarcation correspondait exactement à celle qui séparait les officiers de tous les autres hommes. Rien de nouveau, se disait Albert. Les chefs veulent gagner le plus de terrain possible, histoire de se présenter en position de force à la table des négociations. Pour un peu, ils vous soutiendraient que conquérir trente mètres peut réellement changer l’issue du conflit et que mourir aujourd’hui est encore plus utile que mourir la veille.
C’est à cette catégorie qu’appartenait le lieutenant d’Aulnay-Pradelle. Tout le monde, en parlant de lui, laissait tomber le prénom, la particule, le « Aulnay », le tiret et disait simplement « Pradelle », on savait que ça le foutait en pétard. On jouait sur du velours parce qu’il mettait un point d’honneur à ne jamais le montrer. Réflexe de classe. Albert ne l’aimait pas. Peut-être parce qu’il était beau. Un type grand, mince, élégant, avec beaucoup de cheveux ondulés d’un brun profond, un nez droit, des lèvres fines admirablement dessinées. Et des yeux d’un bleu foncé. Pour Albert, une vraie gueule d’empeigne. Avec ça, l’air toujours en colère. Un gars du genre impatient, qui n’avait pas de vitesse de croisière : il accélérait ou il freinait ; entre les deux, rien. Il avançait avec une épaule en avant comme s’il voulait pousser les meubles, il arrivait sur vous à toute vitesse et il s’asseyait brusquement, c’était son rythme ordinaire. C’était même curieux, ce mélange : avec son allure aristocratique, il semblait à la fois terriblement civilisé et foncièrement brutal. Un peu à l’image de cette guerre. C’est peut-être pour cela qu’il s’y trouvait aussi bien. Avec ça, une de ces carrures, l’aviron, sans doute, le tennis.
Extrait de Novembre 1918, chapitre 1
Mon avis :
Ce roman sort vraiment du lot par rapport à ce que j'ai l'habitude de lire mais c'était vraiment très agréable à découvrir et cela me motive à me tourner plus vers les romans historiques.
Ce qui m'a, sans aucun doute possible, le plus charmé c'est l'écriture et le maniement des mots de Pierre Lemaitre. J'y ai trouvé une vraie poésie et une richesse de vocabulaire mais surtout un amour des mots et de ce qu'ils peuvent produire.
On fait face à deux anti-héros dont le développement au fil du roman est très intéressant. L'histoire aussi est assez étonnante car elle repose sur des quasi "loosers", des survivants de la guerre de 14 mais qui, une fois de retour, ont tout perdu. Edouard et Albert sont deux personnages très attachants, très humains et j'ai aimé suivre leur développement face aux malheurs qui jalonnent leur retour du front. J'ai follement détesté certains personnages secondaires qui sont d'une absolue monstruosité, tout en étant très bien écrits !
J'ai beaucoup aimé voir à l'oeuvre les rouages sociaux entre les différents personnages et leurs diverses interactions : les influences de pouvoir et les sentiments (amoureux, dépressifs ou violents) qui les animent.
J'ai vraiment été surprise par la fin et aussi beaucoup touchée. Et je pense un jour lire la suite de cette saga sur l'entre-deux guerres, qui se focalise sur des personnages secondaires de ce premier tome.
En conclusion, l'histoire est très émouvante mais il y a toutefois quelques passages un peu long à mon goût... Mais cela reste agréable à lire et je suis très contente d'avoir découvert ce roman qui décrit avec succès le quotidien de deux anti-héros après la première guerre mondiale le tout avec une plume qui m'a totalement conquise.
Ma note :
15/20
Infos complémentaires :
Genre : Historique
Editions : Le Livre de Poche
Date de parution : 2015 (1ère publication : 2013)
Date de parution : 2015 (1ère publication : 2013)
Nombre de pages : 620