samedi 28 septembre 2019

Veuf | Jean-Louis Fournier



Résumé : 

Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre. C’est bien triste. Cette année, on n’ira pas faire les soldes ensemble.


Extrait : 


Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre.
C'est bien triste.
Cette année, on n'ira pas faire les soldes ensemble.

Sylvie est partie discrètement sur la pointe des pieds, en faisant un entrechat et le bruit que fait le bonheur en partant.
Elle ne voulait pas déranger, elle m'a dérangé au-delà de tout.
Cette année, l'hiver a commencé plus tôt, le 12 novembre. Je crois qu'il va durer très longtemps et être particulièrement rigoureux.
Sylvie m'a quitté, mais pas pour un autre. Elle est tombée délicatement avec les feuilles. On discutait de la couleur du bec d'un oiseau qui traversait la rivière. On n'était pas d'accord, je lui ai dit tu ne peux pas le voir, tu n'as pas tes lunettes, elle ne voulait pas les mettre par coquetterie, elle m'a répondu, je vois très bien de loin, et elle s'est tue, définitivement. Les pompiers sont arrivés, ils n'ont pas réussi à ranimer le feu, elle s'était éteinte.
Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie.

J'ai eu beaucoup de chance de la rencontrer, elle m'a porté à bout de bras, toujours avec le sourire.
Elle avait la finesse et la résistance de la porcelaine. Elle était courageuse, elle m'a supporté quarante ans, moi que je ne souhaite à personne.
On était complémentaires, j'avais les défauts, elle avait les qualités. C'était la rencontre entre une optimiste et un pessimiste, une altruiste et un égoïste.
Je lui avais dit un jour que l'altruisme était une maladie mentale, je l'avais lu. Elle s'étonnait que je commence mes phrases par Je, j'ai été obligé de lui dire que grammaticalement j'étais la première personne, donc je devais mettre le pronom personnel à la première personne. Spontanément je pensais à moi, spontanément elle pensait aux autres.
Je me souviens de l'histoire des brosses, c'est une vielle histoire. C'était le cadeau d'un industriel après un reportage de télévision que j'avais fait sur sa fabrique. Il m'avait offert un assortiment de brosses, de toutes sortes, de toutes tailles.
Le soir nous avions des amis au dîner. A la fin du repas, elle a présenté la boîte de brosses et l'a fait circuler, comme un plat, en proposant aux invités de se servir, d'en choisir une. Ils ont évidemment choisi les plus belles. Moi, je voyais partir mes brosses, sans rien dire mais en la fusillant du regard. Il y en avait de très jolies avec des manches en bois exotique et des poils très doux en soie. Je n'avais pas envie de les donner, c'était à moi, c'étaient mes brosses.

Extrait de Veuf


Mon avis : 

Jean-Louis Fournier nous offre ici un aperçu de son amour pour sa femme Sylvie dans un livre qu’il lui consacre, après sa mort. Ce livre lui permet de faire son deuil mais aussi de rendre hommage à son amour. 
C’est sans aucun doute l’un des livres les plus émouvants que j’ai pu lire. Le thème abordé est en lui-même déjà très émouvant et le contexte autobiographique renforce ce pouvoir. 
C’est vraiment bien écrit, fluide et bien rythmé et ça transpire l’amour, le vrai. On ne tombe jamais dans le pathos, ce n’est pas gnian-gnian ni larmoyant et on sent bien que le but n’est pas de faire pleurer dans les chaumières mais bien de déclarer et déclamer son amour. On a vraiment affaire à l’expression de l’émotion brute et c’est ce qui rend ce roman si beau. 
On retrouve vraiment la plume typique de l’auteur avec ses remarques humoristiques, son auto-dérision qui permettent de reprendre son souffle dans cette vague d’émotions qui risque de vous submerger. 


Ma note :

18/20


Infos complémentaires :

Genre : Contemporain, Autobiographique
Editions : Stock (La Bleue)
Date de parution : 2011
Nombre de pages : 160

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